A Kédougou, le métal
jaune a détrôné l’agriculture. L’or fascine et attire les adeptes de l’enrichissement
fulgurant. Mais les conséquences écologiques de l’exploitation aurifère sont alarmantes.
Le problème de l’eau se pose avec acuité, la déforestation s’intensifie et
l’agriculture décline. Enquête sur un revers de la médaille de la ruée vers
l’or.
En cet après-midi de février, la communauté rurale de Sabodala
est plongée dans la torpeur d’une journée de canicule. Allongée sur un banc en
bois, une jeune femme sommeille près de sa petite fille jouant à la poupée. A
côté d’elles, le bétail erre en quête de pâturages mais ne trouve aucune trace
d’herbe, même sèche, sur le sol. En fait, ici la végétation se limite à
quelques arbres au feuillage dégarni. C’est sous l’un de ces arbres dépouillés,
que se trouve l’étal de légumes de Fatou Soumaré. Sabodala ayant
progressivement tourné le dos à l’agriculture au profit de l’orpaillage, la
plupart des aliments consommés sur place proviennent de la ville de Kédougou
distante de 99 km. Fatou s’y rend deux à trois fois par semaine pour
s’approvisionner. Mais depuis la fermeture temporaire des mines et le départ
des orpailleurs étrangers, son activité tourne au ralenti. La baisse de ses
recettes n’est toutefois pas son principal souci. Sabodala est privée d’eau
depuis quatre jours. « Durant ces
trois derniers jours nous n’avons pas cessé de redéfinir nos priorités pour
économiser la moindre goutte d’eau. A présent, nos réserves de secours sont
épuisées», nous apprend-elle. D’une main lasse, elle chasse les mouches qui
virevoltent autour de ses légumes. Près de son étal, un amoncellement de
vaisselle sale indique que les ustensiles n’ont pas été lavés après le repas
d’hier. « Il ne reste plus assez
d’eau pour s’en servir et préparer le déjeuner », s’explique-t-elle en
grignotant des cacahuètes. Son repas du jour. Elle se désaltère de temps à
autre avec un sachet d’eau entamé et délicatement posé sur la table. Vendue
deux fois plus chère dans la boutique des maures, cette eau offre un arrière
goût douteux. « Le goût n’est pas
agréable mais c’est tout ce qu’on trouve par ici », affirme-t-elle avec
un détachement révélateur de sa lassitude.
La chaleur vient aggraver une situation déjà insoutenable. Assis
à l’ombre d’un vieux « car rapide », le visage constellé de gouttes
de sueur, Fodé Sarr est visiblement épuisé. Ce jeune homme originaire de Saraya
est un agent de sécurité affecté à Sabodala depuis quelques mois. Jusqu’ici, il
peine à s’adapter. « La vie est difficilement
supportable dans ce coin infernal. Comment peut-on vivre décemment sans eau ? »,
Interroge-t-il, sans chercher à dissimuler son indignation. Ce coin infernal est
pourtant assis sur un potentiel aurifère estimé à 90 tonnes. En 2014, Sabodala
Gold Operation, la société qui exploite l’or de Sabodala, a réalisé un chiffre
d’affaires de 174 milliards de FCFA. En 2015, le budget alloué à la RSE plafonne
à 600 millions de FCFA, soit 0,34 % du chiffre d’affaires de 2014.
« Nous ne sentons
pas les retombées de l’exploitation minière», regrette Fodé. Et les faits
semblent lui donner raison. Des cases et quelques maisons en dur, souvent en
ruines, peuplent ce paysage hostile où la vie est chère, l’électricité
inexistante et les pénuries d’eau fréquentes. Kédougou étant traversée par deux
cours d’eau (le fleuve Gambie et la Falémé), son potentiel hydraulique
contraste avec sa soif permanente. De plus, la région connaît une saison des
pluies étendue (d’avril à Novembre) avec une moyenne pluviométrique annuelle
importante (1 200 mm). Alors comment expliquer ce problème d’eau ?
Paradoxe hydraulique
Alimentées grâce à l’infiltration de la pluie, les eaux
souterraines constituent la principale réserve d’eau douce au monde.
Lorsqu’elle est située à une faible profondeur, cette eau est facile d’accès. Mais
à Kédougou, l’eau est située à une telle profondeur qu’elle est difficilement
accessible. « Il faut des forages de
plusieurs dizaines de mètres de profondeur pour l’exploiter. Or à Kédougou la
plupart des forages ne sont pas aussi performants. », regrette Mamadou
Hadji Cissé, maire de la localité. C’est ce qui explique le déficit hydrique
noté durant la saison sèche, entre janvier et avril notamment.
La proximité des fleuves Sénégal et Gambie aurait pu être un
palliatif salutaire. Mais là encore, un obstacle se dresse : la pollution
au mercure. Toutes les deux formes d’exploitation de l’or, industrielle et
artisanale, utilisent ce produit chimique pour augmenter leur rendement. Le
mercure possède la capacité de se lier facilement à l’or et peut ainsi en libérer les particules les plus
fines. Si les sociétés industrielles maîtrisent le maniement de cette
substance, pour les orpailleurs, eux, l’exercice expose à des risques. Mal manipulés, ces produits souillent l’environnement. C’est
pourquoi, leur utilisation artisanale est interdite par la loi. Ils sont
cependant importés et vendus clandestinement. Malgré les campagnes de
sensibilisation, l’appât du gain prime sur le danger sanitaire. « Sans ces produits on ne peut pas récupérer
beaucoup d’or. C’est une perte d’argent», se justifie Mamoudou Keita, l’un
des rares orpailleurs qui reconnaissent ouvertement avoir recours au mercure. Au
cours de son utilisation, ce métal toxique s’évapore dans la nature et
contamine l’environnement immédiat dont les cours d’eau.
« Il y a un
important risque de pollution au mercure dans le fleuve Gambie», met en
garde Pathé Diéye, expert en environnement affecté à Kédougou. Par ailleurs, une
étude scientifique dirigée par Birane Niane, chercheur à la section des
sciences de la terre et de l’environnement de l’Université de Genève, tire la
sonnette d’alarme. "Après seulement
dix ans d'utilisation du mercure dans l'est du Sénégal, les impacts
environnementaux de son utilisation intensive sont évidents", déplore-t-il.
En effet, après un prélèvement d’échantillons de poissons et de cheveux
humains, le chercheur a constaté que le niveau de pollution au mercure était préoccupant.
La proximité des exploitations minières et des cours d’eau favorise la
contamination des ressources halieutiques. Leur consommation constitue ainsi une
menace sanitaire majeure. Le Dr Margaret Chan, directrice générale de l’OMS,
est formelle : «Le mercure se disperse dans les écosystèmes
et y demeure pendant des générations, entraînant de graves problèmes de santé
et des déficiences intellectuelles pour les populations exposées». Les
femmes enceintes et les enfants sont particulièrement vulnérables car le
mercure compromet le développement du fœtus et du jeune enfant.
Déforestation
intensive
Outre la
pollution chimique, l’exploitation de l’or s’accompagne d’une intense activité
de déforestation. «Plusieurs milliers
d’arbres sont abattus pour étendre les périmètres d’exploitation minières»,
regrette le colonel Kidiéra, inspecteur général des eaux et forêts à Kédougou. En
effet, dans cette région réputée pour la richesse et la diversité de la faune
et de la flore, la déforestation atteint des proportions inquiétantes. « Même le Parc Niokolo Koba n’est plus épargné.
En y abattant des arbres, les orpailleurs mettent en péril la biodiversité
d’une zone à forte sensibilité écologique», prévient Pathé Dièye, expert en
environnement. Cette réserve classée au patrimoine mondial de l’Unesco concentre une grande variété d’espèces
végétales et animales. Des espèces menacées d’extinction y trouvent refuge. La
déforestation pourrait sceller leur sort. Autre zone défigurée par le
déboisement : Kharakhéna, village
situé à 90 km à l’est de Kédougou. Cette localité minière offre un paysage
désertique parsemé d’habitats de fortune où tout tourne autour de la recherche
effrénée de l’or. Pourtant, riche de ses terres fertiles et de la pluie
abondante, Kédougou possède d’importantes potentialités agricoles. Pour inciter
les populations à un retour vers l’agriculture, le Président Macky Sall a
ordonné la fermeture de tous les sites d’orpaillage pendant l’hivernage 2014.
Cependant, au cours de la même année, les paysans ont constaté une nette baisse
de leurs rendements agricoles. « Après avoir cultivé du maïs
sur un hectare, je n’ai récolté que 4 sacs. Comment nourrir ma famille avec une
si maigre récolte ? », s’indigne Souleymane Keita, au bord des
larmes. Ce paysan de Tomboronkoto, une communauté rurale de Kédougou, regrette
de ne pas être en mesure de s’acquitter des charges liées à son rôle de père de
famille. C’est sa femme qui assure la dépense quotidienne en pratiquant l’orpaillage
clandestin. En effet, suite aux récoltes calamiteuses, les femmes de la
communauté rurale n’ont pas eu d’autre choix que de braver l’interdiction de l’Etat.
Munies de seaux et de calebasses, elles partent en groupe chercher de l’or. «Nous parvenons à trouver quelques
décigrammes d’or que nous revendons. Ca nous rapporte juste assez pour vivre au
jour le jour», déclare Fanta Keita, l’une d’elles. Dans le groupe
l’atmosphère est plutôt détendue. Elles ne semblent pas redouter la réaction
des gendarmes qui ont récemment inculpé des hommes pour pratique clandestine de
l’orpaillage. « Ils sont plus tolérants
avec les femmes. En plus nous ne bravons pas l’interdit pour nous enrichir mais
pour nourrir nos familles», se défend Fanta.
Au vu
des conséquences de la crise que connaît l’agriculture, une question
s’impose : La baisse de la productivité agricole
est-elle imputable aux agressions sur
l’environnement ? « Il y a deux
facteurs pouvant influer sur la productivité : la baisse de la
pluviométrie et la dégradation de la qualité des sols », explique
Pathé Dièye. Or, Ces deux paramètres semblent réunis à Kédougou. Alors que la
déforestation réduit la pluviométrie, les sols sont malmenés par l’exploitation
minière. « L’utilisation intensive
de produits chimiques comme le mercure entraîne une pollution supposée des sols »,
ajoute-t-il.
Après
avoir reléguer l’agriculture au second plan, l’exploitation minière est en
phase d’en détruire les fondements. Pour sauver l’agriculture, Mamadou Hadji
Cissé, le maire de la région préconise deux solutions : « Il faut
d’une part interdire la pratique de l’orpaillage près des cours d’eau et dans
les zones à fortes potentialités agricoles. D’autre part, il faut moderniser
l’agriculture pour en améliorer les rendements et ainsi accroître les revenus
des paysans».
En attendant que de telles mesures soient appliquées, le
désastre écologique se poursuit, présageant un sombre avenir à une région victime
de ses richesses aurifères mal exploitées.
Marlyatou DIALLO
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